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Hommage à Richard Kashirahamwe.

Non Richard, les hommes de ta trempe ne meurent jamais.

Tout passe c’est la loi de la nature, mais il est des faits et des figures que le temps ne saurait effacer. C’est notamment le souvenir immense et toujours vivant de ce sage, cet immense monument de courage, de sagesse et de retenue, Richard Kashirahamwe.

Kashirahamwe, le « Muhuza », comme son nom l’indique; le Médiateur pour les intimes, vient de nous quitter pour une destination connue des croyants. Il s’en est allé chez le Très-haut où une place bien méritée lui est réservée : à la droite du Père.

Si les Terriens pouvaient témoigner au tribunal du Ciel, d’aucuns diraient sans ombages que cette récompense ultime est méritoire pour Richard, tant il reste le symbole d’un homme digne, un Mushingantahe au vrai sens du mot; un ange-gardien pour les siens et notamment son épouse Anita et ses enfants qu’il a éduqués dans le respect et la droiture.

Face à l’adversité, la maladie et les intempéries de toutes sortes, sa réponse a toujours été le courage et la détermination. Chez cet homme simple, affable et pourtant de haut vol, tout paraissait naturel. Son visage toujours empreint d’une sérénité sans faille, ses yeux qui vous parlent dans un langage clair et sans ambiguïté; des yeux qui n’ont pas besoin d’être exorbités pour mieux exprimer le désaccord! Son sourire éternel et une humeur toujours égale; cette joie discrète, enfantine mais également mesurée qui est celle des gens possédant en eux ce trésor qui s’appelle amabilité et résilience, voilà; voilà le label Richard.

Richard avait une pensée claire, droite et profonde. Avec toujours un brin d’humour et un raisonnement rationnel; cartésien et parfois peu diplomatique parfois, quand quelque chose l’exaspérait. On le croyait destiné au barreau, à la politique non politicienne ou à une carrière d’homme de Dieu. Non, rien de tout ça, mais tout cela était simplement caractéristique d’une personne abominant la haine, le mal et le mensonge.

Richard communiquait avec tact et courtoisie, réussissant à faire passer ses messages, même dans des moments de tension sans jamais élever la voix.

Personne n’oubliera ses interventions dans le cadre de certaines de nos réunions, quand après des débats houleux surtout quand au sein de l’Alliance des Burundais du Canada qu’il a contribué à fonder et à faire grandir, on se cherchait encore une ligne de conduite. Sa parole venait comme pour tout orienter et conclure et cela dans une direction que très peu de ses compagnons soupçonnaient; il tapait souvent juste.

Il possédait l’un de ces discours qui vous enlève les mots de la bouche, tellement il rendait plus clair le vôtre et vous offrait une issue que vous aviez cherché mais en vain. Richard pouvait tout dire sans jamais être porté par la passion; sans aucune envie de faire passer ses arguments devant ceux des autres comme pour les tourner en dérision, à la lumière de ces gens imbus d’eux-mêmes; ces gens avec la gâchette verbale facile.

L’amitié, la médiation, la justesse d’analyse et les relations sociales, tels étaient ses idéaux; ses principaux centres d’intérêt.

Richard était aussi et surtout un grand patriote et un homme très responsable et respecté. J’en veux pour preuve toutes les nobles et délicates causes qu’il a défendues bec et ongles au cours de la crise que son pays a traversée ces dernières années, n’hésitant pas à contredire certaines idées reçues quand bien même celles-ci étaient portées par certains de ses plus grands amis.

Très généreux, Richard était toujours prêt à aider ses semblables. Entre autres faits on ne peut plus éloquents, ce grand homme se donnait sans compter malgré une santé devenue de plus en plus fragile au cours de ces dernières années et surtout au cours de ses derniers jours. Combien de fois, alors frêle ne l’a-t-on pas vu braver de longs voyages même nuitamment, quand il était appelé par le devoir?

Combien de fois n’a-t-il pas mis sa main à la poche quand il s’agissait d’aider les amis et même de simples connaissances dans le besoin? Sans parler de nombreuses occasions où Richard s’est porté volontaire pour donner un coup de main à la communauté afin de faire avancer telle ou telle cause; à organiser tel ou tel événement pour faire rayonner sa culture!

A l’annonce de sa disparition, un sage de l’Alliance des Burundais dira ceci: « La famille vient de perdre un de ses plus grands piliers, la communauté aussi et même le pays qui l’a vu naître. C’était un Mushingantahe dans le sens large et profond du terme ».

Autre leçon de courage, de détermination et de résilience, Richard se battra vaillamment et en toute discrétion contre la maladie qui vient de l’emporter. Ce brave Mushingantahe n’ayant jamais montré à personne qu’il souffrait. Au contraire, ce sera lui qui tentera assez souvent d’apporter du réconfort aux autres personnes dont la souffrance suscitait chez-lui son éternelle empathie.

Autre fait de taille qu’on ne saurait passer sous silence, même si cela pourrait paraître tout à fait normal: Richard était allé au Burundi pour porter en terre son oncle très proche et son père au cours de cette même année. Cependant, personne ne savait que le destin le conduisait sur ce chemin qu’il n’avait pas pris depuis de longues années, pour dire adieu aux parents, amis et connaissances se trouvant en terre natale et qu’il ne reverra plus jamais.

Cher Richard, que la terre te soit légère et que le Seigneur t’accorde le repos tant mérité.

Les gens qui t’ont côtoyé te garderont en mémoire, ad vitam.

Fait le 2 septembre 2021, Alliances des Burundais du Canada